Charles Carson : Viande assassine ?

Viande assassine ?

Viande assassine ?

Par Audrey Guiller, MSN Environnement, 27 décembre 2009

Si vous êtes dans la moyenne des Canadiens, vous consommez chaque année 96 kg de viande, surtout industrielle. Engloutir votre steak est un acte social et gourmand.

Pourtant, il menace aussi votre santé, participe à la destruction des forêts tropicales et à la déconsidération des animaux. Fabrice Nicolino, journaliste français et auteur de la très pertinente enquête Bidoche. L'industrie de la viande menace le monde (Editions Liens qui libèrent, sortie au Canada en janvier 2010), explique pourquoi et comment.

Quel est l'impact environnemental de la production industrielle de viande ?
D'abord, l'élevage détruit la biodiversité. Pensez au soja transgénique, par exemple, importé d'Amérique du Sud pour nourrir les animaux. Sa culture s'étend sur des dizaines de millions d'hectares au détriment des pâturages et après avoir défriché la forêt tropicale. Ensuite, la FAO a clairement démontré que l'élevage industriel mondial est responsable de 18% des émissions de gaz à effet de serre : c'est plus que les émissions causées par tous les modes de transports réunis ! Et puis, les surfaces agricoles utilisées pour nourrir les animaux d'élevage, à défaut de nourrir des humains, sont colossales : pour obtenir une calorie animale, il faut 6 ou 7 calories végétales. Voilà pourquoi la consommation de viande des uns crée la famine des autres.

Des consommateurs à qui la viande ne serait même pas profitable, dites-vous...
Les publications scientifiques établissent unanimement un lien direct entre une forte consommation de viande rouge ou de charcuterie et des problèmes de santé lourds. On peut aussi rappeler que les viandes industrielles d'animaux nourris aux OGM sont bourrées de produits chimiques, d'antibiotiques, de résidus de pesticides. Le corps humain devient une vraie décharge industrielle ! Dans les élevages industriels sont par ailleurs nées les épizooties : grippe porcine, grippe aviaire, etc. A l'avenir, on peut craindre des catastrophes sanitaires en lien avec ce qui se passe dans les élevages.

Pourtant, l'homme a toujours consommé de la viande. Comment en est-on arrivé là ?
Avant la Seconde Guerre mondiale, dans les pays industrialisés, on consommait trois fois moins de viande qu'aujourd'hui. La révolution s'est produite dans la seconde moitié du XIXe siècle, quand la production de viande a changé d'échelle. Les Américains ont réussi à acclimater le maïs à leurs grandes plaines, démultipliant le potentiel de l'alimentation animale. Et à Chicago sont nés les abattoirs modernes. Ont suivis l'élevage hors sol, la sélection génétique des animaux, l'insémination artificielle et une industrie de la viande ne pensant qu'à ses propres intérêts : vendre toujours plus.

Ce modèle n'a pas non plus été favorable aux animaux...
J'ai dédicacé mon enquête aux « animaux qui sont morts sans avoir vécu. » L'élevage industriel ne considère plus les animaux comme des êtres entiers, vivants, sensibles, mais comme des marchandises, des pièces de boucherie. Des élevages américains peuvent compter 150 000 volailles. Une vache, qui produisait habituellement 2000 litres de lait par an en produit aujourd'hui 12000. Un veau qui devrait téter sa mère 8 mois et placé dans un espace clos au bout de 2 jours. Souvent contraint à l'immobilité pour que sa viande ne rosisse pas. L'industrie de la viande nie les besoins physiologiques et psychologiques élémentaires des animaux qu'elle « utilise », littéralement.

Comment sortir de cette crise ?
Je ne prône pas le végétarisme. Mais on peut aisément diviser notre consommation de viande par 3 ou 4. Les animaux, la planète et nous-mêmes nousen porterions mieux. Peut-être faudra-t-il aussi travailler sur notre mémoire la plus archaïque qui entretient un rapport de fascination quant à la viande. Et arrêter de se comparer aux tribus qui mangeaient les parties du corps de leurs ennemis pour, de façon magique, s'emparer de leur puissance.








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